Extrait du Daily Telegraph:
Andrée « Nadine » Dumon, héroïne de la ligne Comète qui a sauvé des aviateurs alliés mais a été dénoncée aux nazis
En vertu du terrible décret « Nuit et brouillard », elle a été battue et emmenée dans des camps de concentration, notamment à Ravensbrück et Mauthausen.
Andrée Dumon, du nom de code « Nadine », décédée à l'âge de 102 ans, était une messagère et passeuse belge de la ligne d'évasion Comète, qui a contribué à sauver la vie de dizaines d'aviateurs alliés, en faisant passer les points de contrôle aux évadés et en les guidant vers le sud-ouest de la France avant d’être acheminés en Espagne via les Pyrénées.
Elle est née à Bruxelles le 5 septembre 1922 et a passé six ans au Congo belge, où son père était médecin. De retour en Belgique, elle a fait ses études à l'Athénée Royal d'Uccle. Alors qu’elle n’a que 17 ans, Andrée est choquée et attristée par la capitulation rapide de la Belgique suite à l'invasion allemande du 10 mai 1940. Sa famille rejoint rapidement le mouvement de résistance naissant, et Andrée commence son travail clandestin tout simplement par la distribution de tracts. Encouragée par son père, elle rejoint sa sœur aînée Micheline qui travaille pour Comète en décembre 1941.
Le Réseau Comète était un réseau de résistance qui aidait de nombreux aviateurs alliés abattus derrière les lignes ennemies à s’évader, il aidait également des résistants susceptibles d’être dénoncés ou arrêtés et des agents secrets qui avaient atterri en territoire occupé et accompli leur mission. Ce réseau a été cofondé par une autre femme illustre de la résistance bruxelloise, Andrée De Jongh, alias « Dédée ». La ligne d'évasion allait de Bruxelles à Paris, en train jusqu'au sud-ouest de la France et enfin à pied à travers les Pyrénées basques jusqu'à Saint-Sébastien. Ceux qui n'étaient pas internés par les Espagnols étaient acheminés jusqu’à Gibraltar pour ensuite rejoindre la Grande-Bretagne.
Andrée Dumon avec Herbert Spiller, au camp d'Eden dans le Yorkshire du Nord Spiller fut abattu au-dessus du nord de la France et s'échappa en Espagne par la ligne Comète. Voyageant avec de faux papiers, « Nadine » guida des dizaines d'aviateurs britanniques, canadiens, australiens et américains de Bruxelles à Paris, où d’autres passeurs les prenaient en charge. Son apparence jeune et innocente – certains lui donnaient 15 ans – était un atout certes mais elle devait rester extrêmement vigilante, quitte à inventer des histoires si elle était interrogée par la police ou les douaniers, il lui arrivait souvent d’expliquer que ses compagnons étaient sourds-muets. Les Allemands se rendirent bientôt compte que la population locale aidait les aviateurs qui avaient sauté de leur appareil et la Gestapo intensifia ses efforts pour retrouver ces « travailleurs » de l’ombre. Plus de 700 résistants de Comète furent arrêtés, souvent après avoir été dénoncés. Près de 300 d'entre eux moururent exécutés, torturés ou victimes de mauvais traitement dans les camps de concentration.
Frappées par le destin le 11 août 1942, « Nadine » et plusieurs autres personnes furent dénoncées par un collabo. La Geheime Feldpolizei (police secrète de campagne) se trompa de maison dans un premier temps et tambourina à la porte de ses grands-parents. Le grand-père cria pour les avertir, mais « Nadine » et ses parents furent arrêtés. Elle fut sauvagement battue, menacée d'exécution et soumise à un chantage avec menace d'arrêter ses grands-parents âgés.
Elle résista cependant, et elle fut classée sous le régime hitlérien de Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard), un décret (décret qui fait allusion à un sortilège wagnérien) visant les militants politiques et les engagés dans la résistance. Les familles n'avaient plus connaissance de leur sort et la plupart sont morts en captivité. Dans le train de déportation de Bruxelles, « Nadine » a eu la chance de voir son père pour la première fois depuis son arrestation. Il faisait également partie du transport Nacht und Nebel. Ils purent parler un moment, mais leur bonheur fut de courte durée, car ce fut leur dernière conversation. Eugène Dumon mourut le 9 février 1945 au camp de concentration de Gross-Rosen.
Nacht und Nebel marqua pour « Nadine » le début d'un calvaire sans nom. Elle fut soumise à des travaux forcés dans les prisons de Trèves, Cologne, Mesum, Zweibrücken et Essen. Elle fut ensuite transférée au camp de concentration de Gross-Strehlitz, où elle rencontra Nina Vankerkhove, une connaissance de la Résistance. Ensemble, elles tentèrent de s'évader. Mais deux heures plus tard, un paysan les découvrit, prévint les gardiens du camp et elles furent bientôt de retour en prison.
« Nadine » fut ensuite déportée à Ravensbrück, le camp de concentration pour femmes, puis envoyée à Mauthausen en Autriche. Le voyage dura quatre jours, dans un froid glacial et sans presque rien à manger ni à boire. À son arrivée, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Complètement épuisée, elle s'effondra dans la neige. Avec l'aide de ses codétenues, elle réussit à se relever et continua à avancer en boitant, car les prisonniers épuisés étaient fusillés. Début mai 1945, « Nadine » fut accueillie par sa mère Marie à la gare de Bruxelles, leur première rencontre depuis trois ans. Toutes deux furent choquées par leur apparence respective. Marie, vêtue de noir, était émaciée et paraissait plus âgée. « Nadine » était si mal en point qu'il lui fallut deux ans pour se rétablir. Atteinte de typhoïde et de paratyphoïde, elle passa les premiers mois suivant son retour, à l'hôpital.
Après la guerre, elle épousa Gustave Antoine, ils montèrent ensemble une entreprise textile prospère et ils eurent deux enfants. Mais les souvenirs de la guerre et de la résistance ne l'ont jamais quittée. Elle s’ engagea dans le Syndicat Royal des Services de Renseignement et d'Action (RUSRA-KUIAD) et joua un rôle actif dans la reconnaissance et la rémunération des Agents de Renseignement et d'Action. Étant donné le grand nombre de femmes actives dans le réseau Comète, elle s'est également battue pour la reconnaissance des femmes résistantes.
Pendant de nombreuses années, Nadine a rarement parlé de ses expériences de guerre et n'a rompu le silence qu'à l'âge de 70 ans. Elle a commencé à prendre la parole dans les écoles, à participer à des débats et à des émissions de télévision et à s'engager activement dans des projets commémoratifs. Jusqu'à l'âge de 98 ans, elle a continué à soutenir le Centre d'études du renseignement belge. Plus de 800 aviateurs et 300 soldats ont dû leur liberté aux hommes et aux femmes de la ligne Comète. Parmi les nombreux aviateurs qu'Andrée « Nadine » Dumon a aidés, se trouvait le pilote de la RAF Robert Horsley. Erica, la fille de ce dernier reçut Andrée comme deuxième prénom. Elles restèrent en contact régulier et Erica, présente aux 100 ans de Nadine, déclara : « Aujourd’hui, je suis honorée de porter un nom qui est lié à une partie aussi importante de notre histoire. » Nadine resta en contact avec de nombreux pilotes et soldats qu’elle sauva et les invita régulièrement en Belgique. À son tour, elle se rendit au Royaume-Uni, en Australie, au Canada et aux États-Unis pour les rencontrer. Elle se rendait régulièrement en Grande-Bretagne et assistait aux réunions annuelles de la Royal Air Force Escaping Society et de son successeur, l’Escape Lines Memorial Society.
Par son courage inébranlable et son engagement de toute une vie, Andrée « Nadine » Dumon est considérée comme l’une des grandes héroïnes de la résistance belge. Elle fut décorée à de nombreuses reprises par la Belgique et par la France. Les Britanniques la nommèrent OBE et lui décernèrent la King’s Medal for Courage in the Cause of Freedom. Elle fut également décorée par les États-Unis.
Andrée 'Nadine' Dumon née le 5 septembre 1922, est décédée le 30 janvier 2025. Vous retrouverez son livre "Je ne vous ai pas oubliés" ici.
Note personnelle : j'ai eu le privilège de rencontrer Nadine pour la première fois à Saint-Jean-de-Luz en 2010 lorsque j'ai participé à mon premier week-end Comète au Pays basque avec « Les amis du réseau Comète ».
Je ne saurais décrire précisément l'impression que Nadine m'a faite. Elle incarnait vraiment toutes les grandes qualités et vertus humaines – servir les autres avant soi-même - associées à une modestie attachante.
J’ai senti le besoin de la remercier à ma manière pour avoir courageusement aidé nos aviateurs à retourner au combat. Sans considération pour mes sentiments, elle a écarté son pouce et son index à environ 1 cm l’un de l’autre et elle a dit : « J'ai fait ça... » avant de se redresser en portant bien haut la main au-dessus de la tête, et d’ajouter avec fermeté et emphase "mais la RAF a fait ça !".
Voilà la grande dame qu'elle était - modeste à l'excès. Je ne l'oublierai jamais.
GC
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From the Daily Telegraph:
Andrée ‘Nadine’ Dumon, Comet line heroine who rescued Allied airmen
but was betrayed to the Nazis
Under the chilling ‘Night and Fog’ decree she was beaten and spirited away to concentration camps including Ravensbrück and Mauthausen.
Andrée Dumon, codename 'Nadine', who has died aged 102, was a Belgian courier on the Comet Escape Line, who helped save the lives of dozens of Allied airmen, taking evaders through checkpoints and to the South West of France before they were escorted across the Pyrenees.
She was born in Brussels on September 5 1922 and spent six years in the Belgian Congo, where her father was a physician. On return to Belgium she was educated at the Royal Athenaeum in Uccle. As a 17-year-old student, Andrée was shocked and saddened at the rapid capitulation of Belgium following the German invasion on 10th May 1940. Her family soon joined the emerging resistance movement, with Andrée beginning her underground work in a modest way by distributing leaflets. With the encouragement of her father, she joined her elder sister Micheline working for Comète in December 1941.
The Réseau Comète (Comète Network) was a resistance network that aided the escape of Allied airmen shot down behind enemy lines, resistance fighters in danger of betrayal or imminent arrest, and secret agents who had landed in occupied territory and accomplished their mission. The group was co-founded by another legendary Brussels resistance woman, Andrée De Jongh, alias 'Dédée'. The escape line ran from Brussels to Paris, by train to SW France and finally on foot across the Basque Pyrenees to San Sebastian. Those not interned by the Spanish were taken on to Gibraltar before being returned to Britain.
Andree Dumon with Herbert Spiller, at Eden Camp in North Yorkshire
Spiller was shot down over northern France and escaped to Spain down the Comet Line. Travelling on false papers, 'Nadine' guided dozens of British, Canadian, Australian and American airmen from Brussels to Paris, where she handed them over to the next escort. Her young and innocent appearance – some said she looked 15 – was an asset, but she still had to be extremely alert, ready with cover stories if questioned by police or customs officials, often explaining that her companions were deaf-mutes. The Germans soon became aware that local people were assisting airmen who had baled out of their aircraft and the Gestapo increased its efforts to find the underground helpers. More than 700 Comète resistance fighters were arrested, often after betrayal. Nearly 300 of them died by execution, torture or ill-treatment in the concentration camps.
Fate struck on 11th August 1942, when 'Nadine' and several others were betrayed by an informant. The Geheime Feldpolizei (Secret Field Police) knocked at her grandparents’ door, in the adjacent house. He shouted a warning, but 'Nadine' and her parents were arrested. She was subjected to brutal beatings, threatened with execution and blackmailed with a threat to arrest her elderly grandparents.
She did not break, however, and was categorised under the Hitlerian Nacht und Nebel (Night and Fog) orders, a decree (alluding to a Wagnerian spell) aimed at political activists and resistance “helpers”. Families were not aware of their whereabouts and most died in captivity. On the deportation train from Brussels 'Nadine' suddenly had the chance to see her father for the [rst time since their arrest. He was also being transported as a Nacht und Nebel prisoner. They were able to speak briefly but their happiness was shortlived, as it would be their last conversation. Eugène Dumon died on February 9 1945 in the Gross-Rosen concentration camp.
For 'Nadine', Nacht und Nebel marked the beginning of a dreadful ordeal. She was used as forced labour in the prisons of Trier, Cologne, Mesum, Zweibrücken and Essen. She was then transferred to the Gross-Strehlitz concentration camp, where she met Nina Vankerkhove, an acquaintance from the resistance. Together, they attempted an escape. But within just two hours, a local farmer discovered them and informed the camp guards, and they were soon back in prison.
'Nadine' was subsequently deported to Ravensbrück, the concentration camp for women, and from there she was sent to Mauthausen in Austria. The journey lasted four days, in bitter cold and with hardly any food or drink. Upon arrival she was a shadow of her former self. Completely exhausted, she collapsed into the snow. With the help of fellow prisoners she managed to get back on her feet and limp onward, since exhausted prisoners were shot .
In early May 1945 'Nadine' was met by her mother Marie at Brussels station, their first meeting in three years. Both were shocked by each other’s appearance. Marie, dressed in black, was emaciated and looked years older. 'Nadine' was so bad that she took two years to recover. Infested with typhoid and paratyphoid, she spent the first few months after returning home in the hospital.
After the war, she married Gustave Antoine; they built a successful textile company together and had two children. But the memories of the war and the resistance never left her. She became involved in the Royal Union of Intelligence and Action Services (RUSRA-KUIAD) and played an active role in the recognition and compensation of the Intelligence and Action Agents. Given the large number of women who were active in the Comète network, she also fought for the recognition of female resistance fighters.
For many years, Nadine rarely spoke of her wartime experiences and did not break her silence until she was 70. She started to speak in schools, took part in debates and television programmes and became actively committed to memorial projects. Until the age of 98 she continued to support the Belgian Intelligence Studies Centre. More than 800 airmen and 300 soldiers owed their freedom to the men and women of the Comet Line. Among the many airmen Andrée 'Nadine' Dumon assisted was the RAF pilot Robert Horsley. When his daughter Erica was born, she was given Andrée as her middle name. They remained in regular contact, and she was present at Nadine’s 100th birthday. Erica commented: “Today I am honoured to carry a name that is connected to such an important part of our history.” 'Nadine' remained in contact with many pilots and soldiers she saved and regularly invited them to Belgium. In turn, she travelled to the United Kingdom, Australia, Canada and the United States to meet them. She was a regular visitor to Britain and to the annual reunions of the Royal Air Force Escaping Society and its successor, the Escape Lines Memorial Society.
With her unwavering courage and lifelong commitment, Andrée 'Nadine' Dumon is remembered as one of the great resistance heroines of Belgium. She was highly decorated by Belgium and by France. The British appointed her OBE and awarded her the King’s Medal for Courage in the Cause of Freedom. She was also decorated by the United States.
Andrée 'Nadine' Dumon, born 5th September 1922, died 30th January 2025. You can find her book (in English) "I haven't forgotten you" here.
Personal note: I was privileged to have met 'Nadine' for the first time in Saint-Jean-de-Luz in 2010 when I took part in my first Comète long weekend in the Pays basque with "Les amis du réseau Comète".
I'm unable to adequately describe the impression 'Nadine' made on me. She truly embodied all of the great human qualities and virtues - service before self - coupled with an endearing modesty.
I felt I had to thank her in my own small way for her courageous actions in helping our airmen to return to the fray. She dismissed my sentiments by holding her thumb and index finger about 1cm apart - saying, "I did this much..". before she drew herself up, holding her hand high above her head - saying firmly with great emphasis "but the ŔAF did this much!".. This was the great lady that she was - modest to a fault. I'll never forget her.
GC
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